16. Le Coup d’état Financier

Grasso

Richard Grasso (Président et directeur général de la New York Stock Exchange de 1995 à 2003) faisant l’accolade à un commandant des FARC en 1999 dans un village de rebelles colombiens pendant que le GAO indiquait que les FARC avait pris le contrôle de la plus grande partie du marché de la cocaïne.
(Photo: LaRouche Campaign)

Nous cherchions à aider les investisseurs à comprendre l’impact de leurs investissements sur les personnes et les lieux, et sur la société plus généralement, et faire une stratégie d’identification des opportunités afin de réduire les risques et améliorer les retours sur investissement. Ceci incluait de comprendre comment on pouvait réduire la dépendance des collectivités locales, des indépendants et des agriculteurs envers un financement par la dette, et augmenter leur capacité de financement avec des capitaux propres. En réalité, un accès facile et aidé au financement par participation a été le vrai moteur de croissance des grosses sociétés, celles qui sont devenues puissantes et qui ont pris tant de parts de marché aux petites structures et agriculteurs indépendants. L’accès à l’investissement direct pour les petites entreprises et les agriculteurs indépendants donnerait naissance à une économie réellement en meilleure santé et à une base de soutien beaucoup plus large aux institutions démocratiques.

Nous étions chanceux d’avoir un conseil consultatif très compétent et sérieux composé de gérants de fonds de pension. En avril 1997 nous eûmes une réunion chez Safeguard Scientifics où le président du conseil pris la tête d’un projet de capital risque. Je donnai une présentation sur les gâchis monstrueux du budget fédéral. Pour l’illustrer, nous démontrions pourquoi l’année précédente l’investissement fédéral à Philadelphie et en Pennsylvanie avait eu un retour sur investissement négatif. Il était par contre possible de financer des zones avec du capital privé et réorganiser l’investissement public gouvernemental pour obtenir un retour sur investissement positif et par conséquent, générer des plus-values significatives. De ce fait, il était possible d’utiliser les fonds de pensions américains pour augmenter la sécurité des retraites de manière importante, en investissant dans les communautés américaines, les petites et moyennes entreprises et les agriculteurs indépendants, de manière à réduire la dette, à augmenter la qualification professionnelle et la création d’emplois. C’était important car l’un des problèmes majeurs financiers en Amérique à cette époque, était de s’assurer que les plans de retraites étaient financièrement assez performants à un niveau permettant de répondre aux besoins des bénéficiaires. Il était aussi très important de réduire la dette et de créer de nouveaux postes alors que nous continuions à délocaliser les industries et forces de travail à l’étranger. Sinon, nous serions entrain d’utiliser l’argent mis de côté pour les retraites des salariés en place pour délocaliser leurs postes et ceux de leurs enfants, à l’étranger.

La réaction des investisseurs des fonds de pension était plutôt positive, avant que le président du fonds de pension CalPers (le plus gros du pays) ne dise « Vous ne comprenez pas. C’est trop tard. Ils ont abandonné le pays. Ils vont déplacer tout l’argent cet automne (1997). Ils partent en Asie. » Il ne dit pas de qui il s’agissait, mais il m’indiqua qu’il était urgent que je vois Nick Brady, comme si nos informations indiquaient qu’il y avait de l’espoir et pouvaient faire la différence. Je pensais alors qu’il voulait dire que les fonds de pension et les autres investisseurs institutionnels allaient bouger une partie beaucoup plus importante de leurs portefeuilles d’investissement dans les pays émergeants. J’étais naïve. Il parlait de quelque chose de beaucoup plus gros.

L’année fiscale fédérale commence le 1er octobre de chaque année. Généralement les comités de répartition au Congrès et au Sénat votent leurs recommandations durant l’été. Quand ils reviennent de congé après la fête du Travail les différents comités s’accordent, et un dernier vote est exercé en septembre. Concilier les différentes questions ressemble un peu à faire passer un cochon à travers un serpent. La finalisation du budget à l’automne peut devenir une période de tension. Quand le décret est pris, les nouvelles politiques prennent place quand l’argent servant à les financer commence à arriver. Le premier octobre est toujours une date de changements et de lancements. En octobre 1997 l’année fiscale fédérale débuta. Ce fut le début de la disparition d’au moins 4 milliards des comptes des agences fédérales entre octobre 1997 et septembre 2001. La part du lion de cet argent provenait des comptes du département de la défense. Des sommes importantes manquaient aussi au ministère au logement. Selon les rapports du HUD OIG, le ministère au logement connaissait des ajustements non justifiés de 17 milliards pour l’année fiscale 1998, et 59 millions pour 1999. L’administration HUD OIG refusa de finaliser les états financiers audités pour l’année 1999 et refusa de rechercher les raisons ce des ajustements non justifiés ou demander cet argent et il refusa de communiquer les montants des ajustements des années fiscales suivantes. Le HUD OIG continua par ailleurs à investir des ressources significatives pour persécuter le groupe Hamilton durant cette même période.

Electronic Pillaging

Extrait du New Yorker « Non, maintenant nous pillions électroniquement depuis un bureau centralisé ».

Le fournisseur qui fut accusé de l’argent manquant du ministère, était une société de logiciels financiers appelée AMS. Mon ancien associé, Steve Fenster, le banquier de Dillon Read qui pilota l’achat avec effet de levier (LBO) de la société Federated Deparments Stores par la société Campeau qui fit faillite (voir ma description sur mes doutes auprès de Steve sur cette transaction plus haut), Steve donc fut membre du conseil d’AMS jusqu’à ce qu’il décède en 1995. Il fut alors remplacé par Walker Lewis, un membre du conseil en lien avec Dillon Read et devenu, en tant que Président de Devon Value Advisors, un conseiller associé de Pug Winokur et de Capricorn Holdings. Avec 17 milliards et 59 milliards de dollars disparaissant du HUD, le Secrétaire d’Etat Cuomo ne prit aucune mesure contre AMS ou ne séquestra leur argent. Au contraire, le président d’AMS, Charles Rossotti, fut nommé commissaire de l’IRS et reçut une autorisation spéciale pour garder ses parts dans AMS. Le résultat fut qu’il profita personnellement du fait que le HUD ait gardé AMS comme fournisseur et que des nouvelles missions lui furent assignées par l’IRS. En tant que commissaire de l’IRS, il surveillait les charges du département d’investigation criminelle de l’IRS qui jouait un rôle spécial concernant le blanchiment d’argent à cette période, quand les 4 milliards de dollars disparurent du gouvernement fédéral. Quand Rossotti quitta le service du gouvernement, il rejoignit Lou Gerstner chez Carlyle.

Si nous prenons comme base les 17 milliards disparus au ministère au logement en 1998, c’est-à-dire 1,4 milliards mensuels, 63,6 millions par semaine, 7,9 millions par heure de travail effective, à l’été 1998 environ 14 milliards auraient disparu du HUD, sans compter les autres agences. Où est-ce que cet argent est allé ? Etait-il le produit de fraudes sur titres de Ginnie Mae par exemple, ou de bons du trésor émis de manière frauduleuse ? Ce sont des questions importantes. De manière intéressante, c’était aussi un période durant laquelle certaines des plus grosses sociétés de Washington D.C. ou liées à Washington, avaient beaucoup de facilité à lever des fonds. En fait cette période où l’argent disparaissait coïncide, sans surprise, avec la montée artificielle des actions du marché boursier américain du type « Pump & Dump », avec un flux significatif d’argent dans des mains d’investisseurs privés.

PUMP and DUMP

La fraude financière connue sous l’intitulé « Pump and Dump » comprend l’inflation artificielle du prix d’actions ou d’autres titres par la promotion de ces actions pour les vendre à un prix plus élevé. Cette pratique est illégale mais assez commune.

Prenons quelques exemples. Cornell Corrections n’était vraiment pas la seule société qui levait des fonds à cette époque, et Dillon Read loin d’être le seul investisseur à faire de l’argent. En fait, si on suit le schéma, l’investissement de Dillon Read dans Cornell Correction peut être décrit comme financièrement modeste en taille, si on écarte le taux de succès en termes de pourcentage, pour une opération de capital-risque. Par exemple, l’investissement de Dillon et ses profits apparaissent bien petits si on les compare aux milliards que KKR investissait dans RJR. Que ce soit gros ou petit, je dirais que ces investissements nous informent énormément sur le vrai modèle de business dominant les Etats-Unis et à l’international.

A l’été 1998, Carlyle annonça qu’il avait fermé son fonds européen avec 1,1 milliard de dollars. A la fin de la décennie, Carlyle avait plus d’une douzaine de fonds avec à peu près 10 milliards de dollar en gestion. Entre-temps, Enron, avec ses transactions sur Wall Street, bénéficiait d’une chance insolente avec des partenariats offshore, et des revenus qui augmentaient provenant de la « nouvelle économie ». Les dirigeants d’Enron inclurent un Who’s Who sur les décideurs gouvernementaux attribuant des marchés. Pug Winokur, était président du comité financier d’Enron. Il était aussi un investisseur et membre du conseil de DynCorp qui gérait des systèmes stratégiques avec des informations sensibles pour les administrations de la justice, du logement, et de la SEC. Arthur Andersen, le commissaire aux comptes d’Enron et de DynCorp (le même que Cornell) était un fournisseur majeur du HUD. Franck Savage, un membre du conseil de Lockheed Martin, le plus gros fournisseur de la défense à cette époque, était payé plus de 150 millions de dollars chaque années pour gérer les systèmes d’information du HUD, et était aussi au conseil et au comité financier d’Enron. Enron et le HUD partageait les mêmes grosse banques (Citibank, JP Morgan-Chase) et sociétés de Wall Street. Winokur était au conseil et a investi dans le fonds d’Harvard, un gros investisseur dans Enron. O’Melveny et Myers, un gros cabinet californien d’avocats représentant sa société d’après les documents fournis à la SEC, était le cabinet le plus important à assister Al Gore lors des élections de 2000. L’université d’Havard était un fournisseur du HUD et une source importante d’agents du HUD, du Trésor et de la Maison Blanche. Le fonds d’Havard était un investisseur majeur dans les opérations immobilières et de crédit du HUD, avec Pug Winokur et sa société d’investissement. Les employés d’Havard formaient l’un des plus importants groupe de contributeurs continus aux campagnes de Bill Clinton. Havard était aussi une source de nominations aux différentes administrations et agences gouvernementales. Sous l’administration Clinton le fonds d’Havard passa de 4 milliards à 20 milliards, ce qui est une performance extraordinaire.

Dyncorp

(Graphiques du Sanders Research Group, republiés par Scoop Media)

Pour répéter un élément crucial déjà indiqué dans nos propos antérieurs sur le business des achats avec effet de levier (LBO) qui a créé un changement main de l’économie américaine, l’argent est comme du dentifrice, quand vous le pressez quelque part, il ressort autre part. Bien que nous ne savons pas encore la vérité sur qui détient aujourd’hui les 4 milliards (ou un autre montant très important de liquidité ou de titres émis frauduleusement) de transactions non retracées, indiquant des montants extraordinaires manquant au gouvernement américain, ou des trillions de plus qui ont disparu des fonds de pension et des petits investisseurs boursiers durant cette période, nous savons très bien qui a vu ses ressources financières augmenter. Nous savons aussi l’étendue des ressources extraordinaires destinés à enquêter sur beaucoup de gens honnêtes et les cibler.

Mr. Global

Bande fortement recommandé « M. Global » de Sanders Research par Justin Ward et Chris Sanders

Le 18 décembre 1997 l’inspection générale de la CIA accoucha du premier volume de son rapport auprès du comité spécial du sénat sur le renseignement, concernant les charges contre la CIA de complicité de trafic de drogue à South Central, Los Angeles. La réponse de Washington D.C. était compatible avec l’attraction d’un flux continu de 500 milliards à 1 trillion de dollars de blanchiment dans le système financier des Etats-Unis. Le président de la Fed, Alan Greenspan, en janvier 1998 se rendit à Los Angeles avec Maxine Waters, membre du Congrès, qui s’était élevée contre l’implication du gouvernement dans le trafic de drogue, avec des informations dans la presse selon lesquelles il avait promis des milliards pour venir dans sa circonscription. En février, Al Gore fit l’annonce que le district de Mme Water à Los Angeles avait reçu le statut de zone renforcée par le ministère au logement (sous la houlette du Secrétaire d’Etat Cuomo) et était éligible aux 300 millions de subventions fédérales et d’aides fiscales. A la même époque, l’existence des outils informatiques et des bases de données du groupe Hamilton aurait posé un risque significatif si mon équipe et moi-même avaient été plus conscients de l’histoire de South Central. La manière la plus rapide de remplir les blancs aurait été pour moi et les membres de mon équipe de regarder les cartes situant les lieux où il y avait le plus de maisons individuelles en défaut de paiement contigües aux zones où il y avait des trafics de drogues significatifs, que nous avions mises sur le net et que nous utilisions dans le logiciel Hamilton Securities et sa base de données et outils, pour creuser dans les flux financiers gouvernementaux dans les mêmes zones géographiques, incluant des schémas récurrents de fraudes possibles sur les prêts et les titres sur prêts.

South Central, Los Angeles

La carte de South Central Los Angeles, Californie
(Hamilton Securities Group)

La destruction, la suppression et le vol de nos outils informatiques et logiciels, bases de données et système informatique ont été organisés au travers d’une série d’événements entre fin 1997 et début 1998 qui ont été orchestrés par le gouvernement, les media et des membres du CFR ce que je n’aurais jamais cru possible si je ne l’avais pas vécu par moi-même. Le Washington Post avait mystérieusement étouffé à la dernière minute un compte-rendu sur ce qui se passait chez Hamilton, comme ils l’avaient fait avec l’histoire sur Mena en 1995. Notre assurance professionnelle refusa soudainement de payer nos avocats qui se retirèrent du dossier.

Hayes Farm

La ferme Hayes
Acquise par les grands-parents maternels de Catherine durant leur lune de miel, et transmise aux générations suivantes, a une vue panoramique sur le Mont Washington et sur le chaînon Presidential, dans les montagnes du New Hampshire, mais sans électricité. (Photos: Catherine Austin Fitts)

J’ai vendu mes parts dans la ferme familiale à mon oncle pour pouvoir prendre de nouveaux avocats et gérer les attaques juridiques et enquêtes arrivant quotidiennement. Le HUD OIG contacta mon oncle, essayant apparemment de le persuader que j’étais une criminelle, et envoya quatre agents du HUD et du FBI chez lui dans le New Hampshire de nuit, avec une assignation. Ils prétextèrent avoir besoin d’étudier les archives financières familiales pour voir si je n’avais pas utilisé des employés gouvernementaux sur mon lieu de villégiature. Par la suite ils réaliseront qu’il n’y avait jamais eu de fonctionnaire m’ayant rejoint à la ferme et que cette ferme n’avait pas d’électricité et dépendait de toilettes extérieures pour les fonctionnalités élémentaires.

Le juge Sporkin rejeta nos tentatives d’obtenir que le HUD nous paye immédiatement les honoraires dus pour le travail réalisé, et, sans raison apparente, il autorisa la saisie de nos archives ainsi que les dossiers numériques. Le 8 mars 1998 un représentant du tribunal avec une équipe du HUD OIG et des enquêteurs du FBI déboulèrent dans nos bureaux pour les saisir. Toutes les copies dans nos bureaux ou dans nos résidences personnelles ainsi que nos objets personnels leur furent remis. Aucune copie ne fut autorisée. Nous avions été obligés par le HUD d’effacer toutes les bases de données du HUD sur notre serveur, dont la plupart était communicable au public selon la loi, et de certifier que nous les avions bien effacées. On nous avait dit que nous pourrions avoir rapidement des copies ou des exemplaires en trop de ce qui avait été remis. En fait, à l’exception d’un serveur et de quelques ordinateurs, il nous fallut des années pour récupérer nos dossiers. Le temps que nos dossiers les plus importants nous soient rendus, les outils informatiques les plus précieux avaient disparu sous la garde du tribunal.

Nous allions découvrir plus tard que le département de la justice utilisait CACI comme soutien au contentieux dans notre dossier. CACI était le premier fournisseur de logiciel et service du Système d’Information Géographique auprès du gouvernement des Etats-Unis, il sera plus tard cité dans les journaux pour leur lien avec la prison d’Abu Grabi en Irak. Cela soulève la question de savoir si le département de la justice ne payait pas nos rivaux pour les aider à se procurer notre logiciel et nos bases de données. Quelque temps plus tard, après que nous ayons remis à la justice toute notre infrastructure digitale, le département de la justice sortit un outil d’information cartographique pour aider les supports de surveillance et de force de l’ordre dans les communautés. On pouvait se demander si ce n’était pas la réponse du Shérif de Nottingham à notre logiciel Community Wizard. Au lieu d’utiliser le Wizard pour aider les citoyens à comprendre ce que le gouvernement faisait, pourquoi ne pas utiliser cet outil pour fournir encore plus de moyens de surveillance de la population par le gouvernement ?

Pendant que le HUD OIG prenait possession de nos bureaux, les enquêteurs prirent des récipients destinés aux destructions d’archives, les remplirent, et ensuite, à un étage distinct de l’immeuble, trouvèrent des dossiers comptables qu’ils mirent dedans et prirent des photographies de mises en scènes organisées par le directeur juridique du HUD OIG, Judith Hetherton. Elle nous envoya un courrier dans lequel elle nous accusait d’obstruction à la justice, illustrée par la « destruction » d’éléments comptables de la société. Nous avons été sauvés par le gérant de l’immeuble qui ayant vu cette farce, décida de nous aider après avoir vu la destruction intentionnelle et écœurante des bureaux du groupe Hamilton, et ému par les efforts que nous avions fait pour tout nettoyer. Le gérant de l’immeuble était arrivé aux Etats-Unis depuis l’Amérique latine, certainement pour trouver la liberté et échapper à un gouvernement sans foi ni loi. L’un de nos avocats entra dans les bureaux quand les enquêteurs étaient dedans, il ressorti en tremblant et me dit « Mes parents ont fui l’Allemagne pour se sauver des ces gens. Maintenant qu’ils sont là, où est-ce que je peux aller ? ».

Entre-temps, dès que les archives papiers et digitales et les outils furent mis sous l’autorité du tribunal, les ordinateurs vendus et les sites internet fermés, le Congrès organisa des auditions inopinées le 16 mars 1998 au sujet du premier volume du rapport de l’inspection générale de la CIA concernant les allégations de Gary Webb sur l’implication du gouvernement dans les trafics de drogue. L’inspection générale de la CIA révéla pendant les auditions l’existence d’un protocole entre la CIA et le département de la justice datant de 1982. Sporkin, le juge responsable de la destruction du Community Wizard, notre logiciel et de notre infrastructure digitale, et qui avait sa dépouille sous contrôle, avait été le directeur juridique quand ce protocole a été mis en place.

Il y avait une fissure dans la cuirasse. Quand nous avons été autorisés à rentrer dans nos bureaux un soir de la mi-mars, nous prîmes le serveur principal avec nous de retour à la maison. Le jour suivant, un inspecteur du HUD fut surpris de sa disparition, il pensait que tout serait nettoyé pour de bon et vendu. Il demanda où il se trouvait et un de mes associés répondit que nous l’avions pris avec nous la veille. A ce moment-là l’inspecteur du HUD nous déclara « Vous ne pouvez pas faire cela. Mes instructions sont de vous interdire tout renseignement ». Il poursuivit avec un justificatif juridique et pourquoi le groupe Hamilton se voyait interdit d’accès à ses propres biens.

Tandis que les sociétés de prisons privées enregistraient encore plus de contrats et que des milliards disparaissaient du HUD, je passais des mois et des centaines d’heures de travail semaine après semaine, pour gérer près de dix-huit audits, enquêtes et demandes, et une vingtaine de procédures tout en supportant un harcèlement physique et une mise sous surveillance plus une campagne de dénigrement.

Les informations arrivaient petit à petit et elles amèneraient finalement, un peu de soulagement. En mai, Waters, membre du Congrès, prit connaissance du protocole entre la CIA et le département de la justice dans le rapport du congrès. Puis en juin Gary Webb publia son livre Dark Alliance, et je lus une courte critique négative dans une revue d’affaires, je pris alors conscience que cela pouvait expliquer la folie dont je faisais les frais et que je ne pouvais pas m’expliquer.

Après la lecture de ce livre, je commençais à étudier le business très rentable et hors du commun du département de la justice et des agences comme celles que l’administration du HUD avait créées en support, et qui ne prenait réellement sens que si le gouvernement était totalement complice du trafic de drogues et de la fraude au prêts immobiliers et titres, en rapport. Je commençais à comprendre l’étendue avec laquelle les systèmes d’information et les sociétés de logiciels comptables comme DynCorp et AMS prenaient le contrôle dans les coulisses, des agences gouvernementales, et ainsi créaient les conditions permettant la disparition de milliards de dollars des comptes publics. J’ai alors commencé à étudier les sociétés de prisons privées quand un des banquiers de notre banque, dont les collègues avaient été odieux et je pense, malfaisants envers nous, m’indiqua les bénéfices ils faisaient grâce à la « gentrification » de Washington et les prisons privées. Ce sujet revint en boucle à cette époque. Les prisons privées étaient la prochaine panacée, et allaient générer de l’argent pour de bon. Scott Nordheimer n’avait pas été le seul à tenter de nous convaincre. Quand j’avais rencontré plusieurs associés seniors de Coopers & Lybrand fin 1994, ils m’assurèrent que je devais me concentrer sur les prisons plutôt que sur les communautés, que l’avenir était dans la police et les prisons.

En septembre, je découvris que le département de la justice était propriétaire d’une société carcérale, la Federal Prison Industries, connue sous le nom d’UniCor. Elle promouvait le travail carcéral auprès des agences fédérales. Il s’avérait que la société Edgewood Technology Services, fruit du travail et de l’investissement du groupe Hamilton, était un rival potentiel de cette société appartenant au département de la justice, pour les contrats de service de bases de données. Le site d’UniCor indiquait qu’ils avaient un département en croissance, pour fournir des bases de données avec une spécialisation sur les logiciels de systèmes d’informations géographiques (GIS), le même qu’Edgewood Technology Services. Je me suis demandé si Scott Nordheimer n’avait pas communiqué notre business plan au département de la justice et au Bureau Fédéral des Prisons bien que j’ai déclaré ne pas être intéressée par le domaine carcéral. J’ai appelé le chef du département des bases de données chez UniCor qui fut très étonné par mon récit. Il répondit « Cela n’est pas logique. La plupart des gens finissent en prison parce qu’ils ne peuvent pas avoir de bons jobs. Cela coûte plus cher de les faire travailler en prison que de leur faire éviter la prison au départ ». Il était prêt à me rencontrer et était intéressé par l’idée d’aider les prisonniers déjà au travail dans le domaine à trouver du boulot en sortant de prison. Je lui ai dit de vérifier avant avec ses supérieurs et que je serais ravie de le rencontrer.

Le commerce des prisons fédérales

Les profits du département de la justice provenant du travail carcéral grossirent avec le nombre de prisonniers fédéraux, dont la grande majorité n’avait pas commis d’actes violents.
Le 12 avril 2004 dans la revue Government Executive, un article intitulé Prison labor program under fire by lawmakers, private industry de K. Daniel Glover, démontra que l’augmentation des arrestations et des peines d’emprisonnement allait de pair avec l’augmentation du business.

La progression des profits

Année
Nombre d’usines
Ventes (Millions)
Force de travail carcérale
Nombre de prisonniers total
Groupes de produits
1985 71 $238.9 9,995 36,042 4
1990 80 343.2 13,724 57,331 5
1995 97 459.1 16,780 90,159 5
2000 105 546.3 21,688 128,122 5
2001 106 583.5 22,560 156,572 8
2002 111 678.7 21,778 163,436 8
2003 100 666.8 20,274 172,785 8

Source: Federal Bureau of Prisons dans http://www.govexec.com/dailyfed/0404/041204nj1.htm

Un rapport du Centre pour l’Intégrité Publique de septembre 2004 indiquait que Federal Prison Industries était le 72ème plus grand fournisseur de la défense, avec 1,4 milliards de dollars de contrats entre 1998 et 2003, décrit comme suit :

“Federal Prison Industries, connue aussi comme UNICOR, emploie des prisonniers fédéraux pour réaliser un large panel de produits incluant des fournitures, des habits, et des équipements électroniques. Elle fournit aussi des services administratifs comme des entrées de base de données, et des envois de courrier. Société publique, elle fonctionne à l’intérieur du Bureau Fédéral des Prions et elle est le premier fournisseur d’habits, meubles et produits pour la maison du département de la défense ».

Enfin, le 8 octobre, une heure après que la chambre des représentants vota pour poursuivre les auditions concernant la mise en accusation de Clinton, la CIA communiqua très silencieusement son deuxième volume de rapport provenant de l’inspection générale concernant South Central et le trafic de drogue, sur son site internet. Ce volume 2 incluait une copie du protocole d’accord entre le département de la justice et la CIA. Le message du président Clinton aux républicains était de ce fait clair et concis : « Si vous me faites tomber, je vous entraîne dans ma chute ». Littéralement le jour suivant, le 9 octobre, le Secrétaire d’Etat Andrew Cuomo, promulgua une série de contrats, à travers Ginnie Mae qui opère les transactions de titres de prêts immobiliers pour le HUD, au profit de la société de John Ervin (la même qui avait initié la procédure contre Hamilton) et du groupe Touchstone Financial, une société apparemment créée par un ancien employé d’Hamilton qui avait regroupé des anciens d’Hamilton pour réaliser le même type de tâches pour le HUD. On ne peut que faire la liste d’autres questions restées en suspens sur les transactions politiques qui ont dû se faire dans les coulisses. Après tout, le 1er octobre 1998 commençait une nouvelle année fiscale où 59 milliards de dollars disparaîtront des comptes publics et pour lesquels le HUD OIG refusera de fournir un audit comme requis par la loi. Cette somme se traduit en 4,9 milliards par mois, 1,2 milliards par semaine, et 30,7 millions par heure. C’était un renvoi d’ascenseur pour quelqu’un.

Ginnie Mae

Une réponse de la FOIA par HUD a indiqué que le Secrétaire de l’HUD Andrew Cuomo avait comploté Ginnie Mae contrats d’Ervin en octobre 1998 qui pourrait aider à financent poursuites judiciaires de Ervin contre HUD et Hamilton Securities.

Ecœurée par les événements de Washington à cette période, je partais sur New York pour tenter de comprendre ce que tout ceci signifiait du point de vue de Wall Street. J’allais au bas de Wall Street pour déjeuner avec Bart Friedman, un associé chez Cahill Gordon, le cabinet d’avocats de Dillon Read. J’avais un immense respect pour Bart qui nous avait aussi aidés dans nos travaux juridiques chez Hamilton. Alors que nous déjeunions dans un club privé pas loin de son cabinet, un associé senior, Ike Kohn, nous croisa. Quand j’étais chez Dillon Read, Brady avait présenté Ike comme notre avocat le plus fiable. Bart lui dit quelque chose du genre « Ike, vous vous souvenez de Catherine Austin Fitts ? ». Ike me regarda et me toisa avec hostilité, et partit de manière sèche, ce qui me choqua. Enfin, cela m’a choqué jusqu’à ce que je lise les documents de la SEC sur Cornell Corrections. Bart Friedman s’était occupé de toutes les déclarations et contrat de l’investissement de Dillon Read dans Cornell Corrections. Si Ike craignait que je ne fasse le lien, c’était sans risque à l’époque. Je cherchais dans les documents de la SEC mais pour Wackenhut Corrections et Corrections Corporation of America. Je me suis intéressée à Cornell que des années plus tard. A ce jour, je me demande encore ce qu’Ike pouvait savoir sur ce qui arrivait au groupe Hamilton.

Cahill Gordon Letter

C’est un petit monde : tandis que des Cahill Gordon & Reindel aidait Dillon Read construire des Corrections de Cornell, elle offrait également conseiller juridique pour le groupe de valeurs mobilières de Hamilton Securities Group.

Je partais ensuite pour une fête d’anniversaire d’un membre de la famille d’un associé de Dillon Read, au Colony Club, un club privé chic de Park Avenue. Un grand nombre d’amis souhaitait savoir ce que je pensais des actions des sociétés carcérales. Ils en avaient tous, les agents les poussaient dans ce sens, ces actions étaient à la mode et ils anticipaient de juteux profits. Je leur dis de s’en défaire, que les prix supposaient de manière fausse, que d’entasser les gens en prison, innocents comme coupables, était la même chose que stocker des gens dans des immeubles du ministère du logement. Pour sûr, les actions allaient atteindre leur sommet plus tard. Mais a pas avant que le Wall Street Journal ne publie un article expliquant que des décorateurs utilisaient des équipements des prisons pour réaliser des salles de bains et des cuisines sur Park Avenue et qu’Esquire n’illustre un présentoir de mode en face s’une série de cellules. A ce jour je me demande combien de gens auxquels j’ai parlé ce soir-là avaient acheté des actions de Cornell auprès de Dillon Read.

Je revins à Washington D.C. avec le sentiment que le monde était devenu fou. Où que je me tourne, je voyais des personnes qui avaient l’air assez satisfait de l’argent qu’ils se faisaient sur des opérations qui épuisaient et liquidaient nos infrastructures et notre productivité, en tant que nation et peuple. Notre système financier était devenu un mécanisme compliqué qui permettait de dissocier de manière lucrative, les origines du cash et la réalité matérielle.

Après plusieurs conversations avec mes avocats, je compris que les tentatives pour nous coincer avaient échoué, et que les personnes impliquées se retrouvaient avec un début de problème sur les bras, puisque nous produisions des témoignages étayant des faux et des destructions d’éléments. Mon sentiment était que le département de la justice était prêt à laisser tomber, à condition que nous leur laissions l’argent du groupe Hamilton. Quelque fut l’urgence qui avait justifié l’opération, elle était retombée. Est-ce parce que Dillon avait encaissé son argent en totalité ? Etait-ce parce que les logiciels et les bases de données avaient été effacés pour de bon et ne permettraient donc plus à des millions d’américains de faire le lien entre la fraude aux prêts immobiliers et le trafic de drogue relaté par Gary Webb ? Etait-ce parce que le robinet secret qui avait été ouvert pour pomper 59 milliards de dollars du HUD pour abreuver la bête assoiffée n’était rien comparé à la suite, soit 3,3 trillions de dollars disparus du Pentagone ? Etait-ce parce que des gens honnêtes étant écartés, et les administrations littéralement terrorisées, la bulle de l’immobilier était maintenant alimentée par le FHA, Ginnie Mae, Fannie Mae et Freddie Mac ? Ou un mélange de tout cela ? Dans tous les cas, on avait vraiment voulu me voir atterrir en prison. Et on avait échoué. Je pris la décision que je n’allais pas en rester là. J’allais comprendre ce qui s’était réellement passé.

Ce que les collectivités en Amérique et ailleurs ont le plus besoin, c’est de la vérité. Nous avons besoin de savoir à qui nous pouvons nous filler ou non. Nous devons savoir comment construire une vie, une famille, une société, réaliser des économies pour la retraite, et nous protéger de la corruption. On doit pouvoir générer des revenus qui construisent notre patrimoine et notre capital au lieu de subventions qui nous font marcher tout en réduisant petit à petit notre capital personnel et collectif. Un explorateur de talent vous dira que toutes les ressources au monde ne sont que de peu d’utilité si vous avez une mauvaise représentation du terrain, vous rendant de ce fait vulnérable.

Fraser Stables

La maison de Catherine, d’anciennes écuries converties en habitation au centre de Washington a été vendue pour aider à couvrir les frais judiciaires et pour échapper au harcèlement physique et à la surveillance constante. (Photos: Catherine Austin Fitts)

La première étape fut de comprendre le crime organisé, un sujet qui ne m’avait jamais intéressé. J’ai appelé un organisme qui vendait des enregistrements réalisés par des enquêteurs sur la corruption publique et le trafic de drogues, et j’ai acheté les cassettes qui m’avaient été recommandées. Ainsi commença un voyage composé de lectures et du visionnage de centaines de livres, vidéos et échanges avec des enquêteurs à l’échelle internationale.

Plus tard la même année, je publiais un article sur les liens éventuels entre les allégations de Gary Webb et les tentatives pour détruire les outils d’information et ce que cela voulait dire sur l’utilisation potentiellement frauduleuse des prêts immobiliers du HUD et de la fraude sur les prêts, par les mêmes réseaux. Peu après la parution de cette article, le 22 mai 1999, avec des exemplaires envoyés aux abonnés membres du comité sur le renseignement, le congrès teint soudainement des auditions à huis clos au sujet du deuxième volume du rapport de l’inspection générale de la CIA, écoutant en secret le témoignage de l’inspecteur général du département de la justice, Michael Bromwich, et celui de la CIA, Britt Snider.
Cet été 1999 la direction était claire. En juin, Richard Grasso, président de la bourse de New-York, alla rendre visite à un commandant des FARC en Colombie pour l’encourager à investir dans le système financier américain. A cette époque, le bureau des finances publiques faisait un rapport sur l’influence grandissante des FARC sur le marché de la cocaïne.

Tandis que j’en apprenais plus sur le budget noir et sur les flux financiers clandestins au travail dans notre économie, j’en apprenais aussi plus sur leur histoire. Je commençais à remplir les blancs entre mon histoire personnelle et celle de ma famille, mes amis, mes voisins. Je compris que la venimosité des attaques en cours pouvait être aussi en rapport avec non seulement mon travail chez Hamilton mais aussi à des problèmes que ma famille avait pu connaître de la part de personnes, similaires ou identiques, il y avait de cela longtemps. Cela me confirma dans ma conviction de poursuivre les procédures et d’aller au fond de l’affaire pour comprendre ce qui se passait et pourquoi. Selon la fameuse expression de George Santayana « Ceux qui n’apprennent pas de l’histoire sont condamnés à la répéter. » Je devais passer de nombreuses années à régler les procédures et construire de nouveaux réseaux dont j’avais besoin, et créer ma société de conseil en investissement, en aidant à préserver et à faire grandir les richesses familiales dans un monde de plus en plus enclin à la corruption financière et politique.